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MICHEL FABBRO, pyrénéiste humaniste et généreux

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Photo R. Baysset.

Il avait l’âme d’un oiseau, libre et fragile, qui en silence regarde la beauté du monde tout en se battant pour ceux qu’il aime sur la terre des hommes. Il avait la force du rocher auquel il se mesurait inlassablement pour toucher la beauté du monde et parce que grimper était sa vie. Le matin du jour où il partait vers sa dernière demeure ici, sous la roche protectrice et ensoleillée du Pic du Gar qui avait accueilli ses premiers pas de montagnard, un petit oiseau est venu se poser sur le corps de Michel.

Michel Fabbro, le montagnard, le bâtisseur, l’artiste, l’amoureux de la beauté du monde, de la montagne, des animaux, des arbres, des autres, était un être qui révélait, comme le photographe qu’il était révèle à partir de l’obscurité, une image éblouissante. C’était un solitaire qui aimait passionnément les autres et donnait sa vie pour eux. Il voyait la beauté du monde et voulait la partager. Et il aidait ceux qui recherchaient cette beauté comme lui. À la tête d’une petite entreprise de BTP, celle de son père et de son grand-père, pour laquelle il s’est battu jusqu’au bout et qu’il a sauvée, il avait obtenu en 2008 le prix du mécénat culturel en Haute-Garonne après avoir soutenu depuis sa création le concours de poésie des écoles. Michel a consacré sa vie aux autres, guidant tous ses amis et les amis de ses amis sur les chemins, offrant à celui qui lui avait fait faire son premier sommet, sa dernière course, l’une et l’autre dans les montagnes de Luchon. Photographe exceptionnel, il savait capter la beauté absolue qu’il voyait dans la nature, dans un visage, dans un groupe d’hommes et de femmes, dans les Pyrénées, en Afrique ou en Palestine, son dernier voyage. Il captait la vérité de l’instant. Jusqu’au bout, il a aidé les autres puisqu’il est parti en prenant des photos pour une association d’aide aux aveugles, en donnant son regard à ceux qui n’en avaient plus... Michel, l’être discret et fulgurant.

Michel Fabbro a fait ses premières ascensions dans un arbre, un châtaignier au pied de la montagne de son enfance, pour installer des nichoirs pour les oiseaux. Grimper et parler aux oiseaux...toujours. Par la suite, il est devenu l’un des vingt meilleurs alpinistes français, ouvrant de nombreuses voies et réalisant des ascensions difficiles dans les Pyrénées, les Alpes et jusqu’au Mali. Parmi ces premières, en août 1978, il ouvre une voie dans la Pointe Jean Santé avec Tony Bedel et Bruno Prat. Dans les Alpes, il réalise les 17 et 18 janvier 1976, avec Tony Bedel et Jean-Marc Poirier, la première ascension hivernale de la voie originale de la Face Est de la Grande Aiguille. Il ne s’est jamais fait une gloire de son talent d’alpiniste. Il grimpait parce qu’il aimait grimper, il guidait parce qu’il voulait faire découvrir aux autres la beauté de la nature. Leur offrir aussi l’ultime cadeau qu’ils recherchaient. Raymond Despiau est mort brutalement dans l’ascension d’une paroi en Espagne, la voie Performance à Collegats, en octobre 2013, encordé avec Michel. C’est avec lui qu’il avait choisi de refaire de l’escalade au soir de sa vie. La première course s’était bien passée. La seconde fut la dernière. Michel avait permis à son ami et immense grimpeur de retrouver le contact de la paroi. Après le choc de cette disparition sous ses yeux, il s’était dit que cette fin était belle et Raymond Despiau, parti dans l’action, en escaladant une paroi, dans la montagne, ne pouvait rêver de plus belle mort. Michel devait participer à l’hommage que Pyrénées consacrera à Raymond Despiau. Juste avant le début du printemps, Michel, qui n’avait que 59 ans, est parti rejoindre ses amis pyrénéistes : Raymond Despiau, Silvio Trevisan et Jean Besson, qui l’avait initié à l’escalade, et tous les autres. Aujourd’hui, là-bas, dans un lieu mystérieux, ils sont sans doute tous en train de gravir des montagnes toujours plus belles. Au moment où il avait cet accident cérébral qui allait l’emporter, Martin, son fils qui jusque là n’avait jamais voulu faire d’escalade, ouvrait une voie.

Il est parti en donnant son regard, en se donnant aux autres, à sa famille, à ses amis innombrables, en transmettant sa force et sa lumière, comme il l’avait fait toute sa vie. La montagne coulait en lui, c’était la source où, dans les épreuves qu’il a traversées, il allait toujours se retrouver. Quand nous regarderons un chien courir au bord de la rivière ou un oiseau voler dans le ciel, dans les moments simples de la vie, dont il nous montrait la beauté absolue, nous retrouverons toujours Michel. Il nous laisse son regard profond et son amour de la montagne et des Pyrénées, les images qu’il a captées, ses pas inscrits invisiblement sur les chemins, ses empreintes inscrites dans la roche. J’ai perdu mon ami d’enfance, notre compagnon de montagne, mais Michel nous laisse sa vision humaniste et absolue du monde où, avec Martin son fils, encordé à son père pour l’éternité mais libre de la liberté qu’il a imprimée en lui, il continuera à nous guider. Merci, Michel.

F.B.

Mis en ligne le mardi 8 avril 2014.






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