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À DÉGUSTER : LE CIVET D’ISARD


Dans cette période où les livres de cuisine font recette sur les étagères de nos bonnes librairies, il ne faut en aucun cas se priver de savourer le truculent petit ouvrage de Louis Le Bondidier, Gastronomie pyrénéiste.

En voici un morceau choisi.

Le civet d’isard

Après avoir indiqué comment cuisiner le civet d’isard à 2000 m, l’auteur en donne la recette pratiquée par les chefs des restaurants de vallée :

Si, en effet, pour faire un civet de lièvre, il faut un lièvre, il n’est pas indispensable au chef de restaurant du Cercle ou du Casino, ou des Thermes d’avoir un isard pour mettre sur le menu "Civet d’isard". Au début de la saison il essaie de trouver sur le marché une chèvre ou à défaut un vieux bélier, devenu inapte aux jeux de l’amour. Ayant acquis la bête à bon compte, il la fait dépecer puis, dans un coin obscur de la cuisine, il va chercher la grande marmite spéciale que les patrons successifs se cèdent comme une pièce fondamentale de l’outillage. Il découpe l’animal en petits morceaux, y ajoute quelques autres viandes dures telles que le cou d’un bœuf de travail ou jarret d’une vache maigre, tous les assaisonnements qu’il a dans son armoire, beaucoup de sel et surtout beaucoup de poivre de façon à brûler les papilles d’un palais méfiant et inquisiteur. Il noie le tout dans du vin d’Espagne importé dans une gourde à goût de poix s’il en trouve, à défaut dans du vin d’Algérie ou du vin violet de l’Hérault.

Quelques jours plus tard il mettra au menu commun "Civet d’isard" et sera félicité. Désormais il fera figurer le "Civet d’isard" au menu de chaque repas mais, dans la catégorie plats supplémentés. Chaque portion d’isard demandée par le restaurant à la cuisine sera remplacée par une portion renvoyée du restaurant à la cuisine : le filet Périgueux jugé par le client trop avancé et refusé, l’entrecôte trop cuite, le gigot trop saignant. À la marmite !... V’lan...

Oh ! la joie du chef quand il apprend par le maître d’hôtel que la vieille pimbêche du 5, qui a fait scandale trois jours plus tôt dans le restaurant en refusant avec des propos malveillants une côtelette de veau qu’elle jugeait faisandée (qui l’était en effet), vient de la manger trois jours plus tard sous forme de civet d’isard en le déclarant "mets exquis avec son fumet si particulier".

Si dans un de ces restaurants on te sert de l’isard refuse-le discrètement sans te livrer à des commentaires saugrenus car dans les relations entre hôteliers et clients, la règle doit être le fair-play. Ne demande pas à haute voix le jour du 15 août à un garçon de te montrer la peau ou la tête de l’isard qui figure au menu. En révélant la supercherie tu navrerais ces gens qui trouvent si appétissant ce civet d’isard et qui seront si heureux d’en parler à leurs connaissances et amis. De plus tu te ferais un ennemi du patron et le coup de fusil que n’a pas reçu l’isard de la marmite, tu pourrais bien le retrouver sur ta note. Soit discret.

À moins, toutefois, comme il m’advint un jour à Arreau, que tu ne trouves dans le civet d’isard, une aile de canard. En ce cas il y a, à l’égard du client, non seulement tromperie mais mystification et tu as droit à toutes les représailles.
 

Mis en ligne le jeudi 15 novembre 2012.






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